Il y a de ces matins où l’on fait des découvertes. Comment oublier l’émission La Grande Librairie et le passage de cet écrivain islandais qui venait présenter son dernier roman, Ton absence n’est que ténèbres. L’animateur François Busnel lui posait des questions et il répondait en anglais. J’ai tellement aimé ce roman de 600 pages que je l’ai lu en une semaine. Le sujet, le point de départ, on le retrouve dans la première page du roman. J’en transcris une partie :
« C’est sans doute un rêve :
Je suis assis au premier rang dans une église de campagne, il fait froid : une profonde quiétude règne à l’extérieur, à peine troublée par les bêlements des moutons et les cris lointains des sternes, les vitres du bâtiment encadrent le bleu du ciel, la mer, une bande d’herbe verte et une montagne presque nue.
J’espère bien que c’est un rêve parce que je n’ai aucun souvenir de ma personne, je ne sais qui je suis, ni comment je suis arrivé ici, j’ignore…
… mais je ne suis pas seul.
Assez captivant comme point de départ, non? Cet homme sort de l’église, se dirige vers le cimetière et trouve une tombe et une croix sur laquelle est écrite une phrase qui donnera le titre au roman. Il trouve une voiture qui n’est pas fermée à clé et aperçoit une femme qui lui dit :
« Mon Dieu, j’étais tellement heureuse quand je t’ai aperçu marcher dans le cimetière par la fenêtre du salon. Heureuse et évidemment surprise, parce que je m’attendais à tout sauf à te trouver ici. Tu es arrivé quand?
François Busnel, l’animateur de l’émission La Grande Librairie a dit de cet écrivain :
« Jón Kalman Stefánsson et l’un des grands romanciers contemporains. Ses romans sont uniques, saturées de poésie, parsemés de philosophie. »
L’autre roman de l’écrivain dont je veux vous parler a pour titre D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds. C’est le premier roman d’une chronique familiale. C’est aussi un roman unique dans le sens de ce que dit Busnel. On passe rapidement d’une époque à l’autre sans trop de précision. Les chapitres n’existent pas comme tel et on retrouve des sections qui nous annoncent quelque peu ce qui va se passer dans les pages qui vont suivre. Mais c’est tellement palpitant. L’écrivain a aussi écrit une trilogie que j’ai beaucoup apprécié.
Mais il serait peut-être que je vous explique mon attirance pour la littérature islandaise.
Nous avons fait un voyage en Islande il y a de cela plusieurs années.
J’avais entendu parler de ce pays par l’écrivaine Ava Audur Olafsdottir. J’avais au départ lu quelques romans policiers de l’écrivain Indidrason avant de lire mon premier roman de cette écrivaine, Rosa Candida. Le roman de cette femme que j’ai le plus apprécié est L’embellie. Je m’étais procuré ce roman au retour de notre voyage en Islande. C’est une promenade sur une grande partie de l’île, quel plaisir.
Notre voyage en Islande fut trop court pour nous permettre de nous éloigner de la capitale. Mais je me souviens d’avoir rencontré quelqu’un dans l’avion qui nous conduisait en Islande, un voyageur qui y allait pour du travail et qui disait qu’en se promenant sur les routes de ce pays, le paysage change très rapidement. Donc quel plaisir de lire L’embellie! Nous avons eu la chance de voir des geysers, des chutes, des montagnes…
Avant de continuer cet article, je veux vous faire voir des images de l’Islande et vous présenter un ou deux courts films qui vous permettront de mieux apprécier les descriptions de paysages dans les deux romans de l’écrivain islandais.















Je veux vous faire voir quelques aspects des paysages islandais. J’ai retenu des images de la capitale, Reykjavik, du Lagon Bleu, des chutes et des montagnes. L’homme peut paraître tellement petit quand on l’observe devant une chute comme vous pouvez le voir dans la cinquième image de cette galerie de photos. Le ciel avec les nuages et ces images de l’eau sont toujours grandioses.
Je vous cite pour compléter des textes tirés du roman D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds :
« À travers trois générations, le portrait d’une Islande sauvage, âpre et nostalgique se dessine.«
« Les oiseaux bleues de froid du golfe Húnalfói baignent les fjords, les baies et les criques alentour, les poissons au sang glacé qui nagent dans ces profondeurs ignorent presque tout de la vie. »
« Celui qui peut contempler la mer de jour comme de nuit risque moins d’être malheureux. »
J’ai décidé de vous présenter deux films que j’ai réalisés au retour de notre voyage en Islande. J’espère que vous allez les apprécier. Ce sera quelque peu différent des images que vous venez d’observer…
Le premier a pour titre Le geyser Strokkur. C’était la première fois que je voyais un geyser et c’est merveilleux avec cette attente qui nous réserve des surprises comme vous pourrez le constater…
Le second film vous permettra d’admirer de magnifiques chutes en Islande. Je viens de revoir le film et ce qui m’étonne encore c’est de voir la petitesse des humains devant ces chutes admirables…
Revenons à la littérature islandais et à deux de ses auteurs dont je veux vous entretenir. Si j’ai fait allusion à Audur Ava Ólafsdóttir c’est que c’est par elle que j’ai découvert la littérature islandaise comme je l’ai souligné au début de cet article. J’ai rencontré l’écrivaine à la librairie Gallimard à Montréal lors de son passage pour parler de ses romans. C’est Claudia Larochelle qui animait cette rencontre où l’auteure de L’embellie a écrit quelques mots dans mon exemplaire.
Ce qu’on peut lire en ouvrant le roman dans le texte de présentation de l’édition Zulma :
« C’est la belle histoire d’une femme libre et d’un enfant prêté, le temps d’une équipée hivernale autour de l’Islande.
En ce ténébreux mois de novembre, la narratrice voit son mari la quitter sans préavis et sa meilleure amie lui confier son fils de quatre ans. Qu’à cela ne tienne, elle partira pour un tour de son île noire, seule avec Tumi, étrange petit bonhomme, presque sourd, avec de grosses loupes en guise de lunettes.
Avec un humour fantasque et une drôlerie décapante, l’Embellie ne cesse de nous enchanter par par cette relation cocasse, de plus en plus attentive, émouvante, entre la voyageuse et son minuscule passager. Ainsi que par sa façon incroyablement libre et allègre de prendre les péripéties de la vie et de la vie amoureuse, sur fond de blessure originelle. Et l’on se glisse dans l’Embellie avec le même bonheur immense que dans Rosa Candida, en une sorte d’exultation complice que ne nous quitte plus. »
L’amie en question a vu une voyante à qui elle avait écrit :
« J’ai quinze ans et j’attends toujours que l’enfant en moi disparaisse. Je n’y pense pas. C’est comme ça que j’arrive à le faire disparaître, un n’y pensant pas du tout. Jusqu’à ce qu’il cesse d’exister. J’ai cherché dans un livre et je sais qu’il a cessé d’être un petit poisson de deux centimètres et demi à pattes palmées, qu’il a commencé à prendre figure humaine et qu’il a des doigts de pied. Bientôt je ne pourrai plus mettre mon pantalon avec des fleurs dans le bas. Je le cache sous mon gilet de laine à boutons de laiton pour que personne n’y prête attention, pour que nul n’en sache rien. Et puis je vais vite m’en aller dans le vaste monde. Quand l’école sera finie.
Tout cela n’est encore que pure imagination. »
Et cet enfant ce sera Tumi qui fera ce tour de l’Islande… Et cela avec la dédicace de Audur Ava Olafsdottir…
J’ai aussi lu quelques polars islandais mais mon grand coup de coeur fut Stefánsson. J’ai lu la trilogie et aussi D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds. J’ai lu ce dernier roman en 2018 et je l’ai repris après Ton absence n’est que ténèbres un peu pour comparer le style des deux oeuvres.
Comment aborder un tel sujet?
LES CHAPITRES
Si vous ouvrez le passage qui suit le prélude dans le roman D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds vous y voyez :
Keflavik – Aujourd’hui – et les mots qui suivent : « Keflavik n’existe pas. »
À la page suivante on y lit : Keflavik a trois points cardinaux : le vent, le mer et l’éternité.
Vous tournez la page et vous lisez les mots suivants : Valeur agricole négligeable ; nulle part la distance, mesurée entre ciel et terre n’est plus importante. Ces mots sont une indication de ce qui va suivre dans les pages suivantes.
Il en est ainsi de la seconde section avec les mots suivants : Honneur et fierté
Dans le roman Ton absence n’est que ténèbres les deux premières sections ont pour titre :
Il se trouve toujours une consolation.
Même les défunts sourient, Et moi je suis vivant.
Il en est ainsi dans les deux livres tout au long des romans. Dans certaines sections les indications indiquent d’une façon concise ce qui va se dérouler dans les pages qui vont suivre : « Chaude et douce ce matin – pour toi »
CHRONOLOGIE ET TEMPS
Titre un peu particulier pour cette section de mon article mais vous allez comprendre… Une autre particularité des deux romans est le voyage à travers le temps pour décrire l’évolution de grandes familles avec très peu d’indications chronologiques pour s’y retrouver.
Quelques exemples dans le roman D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds :
Page 94 : Keflavik – Aujourd’hui –
Page 123 : Incise Des cheveux bruns, une robe verte Désormais, je pourrai aimer D’autres hommes que toi.
Page 169 : Keflavik – 1976 –

Quand on réalise en quatrième de couverture en lisant sur la page que vous voyez à votre gauche : « À travers trois générations, le portrait d’une Islande sauvage, âpre et nostalgique se dessine « on se dit qu’il faut être attentif pour s’y retrouver.
Je vous citer un autre passage du même roman où l’on nous présente Ari qui voit sept perdrix et ne réussit pas à les tuer :
« Le poteau de la clôture vibra et les sept perdrix des neiges prirent leur envol, indemnes et blanches, pour s’évader dans l’air sombre, tel l’espoir d’un monde meilleur, un espoir limpide, vaut-il mieux tuer des perdrix ou les regarder s’envoler immaculées que la beauté? »
Et ce dernier passage bien en lien avec le précédent :
« Ari désirait en outre publier des livres, des oeuvres importantes, utiles, des livres qui seraient un vol d’oiseaux et fendraient l’air. »
Relisez le texte de la première citation en débutant à la fin de la troisième ligne où l’on évoque un monde meilleur et la question que l’on pose. Vous vous souvenez des trois derniers mots de la citation de François Busnel : parsemés de philosophie. Cette question va dans ce sens, une réflexion sur la vie et sur la mort.
Un autre exemple dans les premières pages du roman avec cette pensée :
« La vie naît par les mots et la mort habite le silence. C’est pourquoi il nous faut continuer d’écrire, de conter, de marmonner des vers de poésie et des jurons, ainsi nous maintiendrons la faucheuse à distance pour quelques instants. »
Voyons ce qu’il en est de la chronologie, des passages du temps dans le roman Ton absence n’est que ténèbres.
Un lecteur du site Babelio résume ainsi le roman de l’écrivain islandais :
« L’homme se rend alors compte qu’il n’est pas simplement perdu, mais amnésique : tout le monde semble le connaître, mais lui n’a aucun souvenir ni de Soley, la propriétaire de l’hôtel, ni de sa soeur Runa, ou encore d’alois, leur mère tant regrettée.
Petit à petit, se déploient alors différents récits, comme pour lui rendre la mémoire perdue, en le plongeant dans la grande histoire de cette famille, du milieu du 19e siècle jusqu’en 2020...

Ce roman compte près de 600 pages et pour me retrouver avec tous ces personnages qui apparaissent et disparaissent pour revenir plus tard, j’ai tenté de faire le lien entre toutes ces personnes.
Vous y voyez à gauche le nom d’Aldis, la mère des deux filles Runa et Soley.
C’est à partir de l’épitaphe sur la croix de la tombe d’Alis au cimetière qu’on a donné le titre au roman.
J’attire votre attention sur le milieu de la page de gauche où l’on peut lire Pétur, pasteur et Halla. À la ligne suivante on peut lire :
« Pétur et Gudridur qui a écrit un article sur les vers de terre. Il va lui porter trois livres dont un dictionnaire. Gisli est le mari de Gudridur. Il s’absente pendant neuf semaines pour la pêche à chaque saison de pêche.«